L'Aigle et le Renard Théodore Lorin (19è siècle)

Cet homme est seul au monde, et je puis sans danger
Le tourmenter, l'opprimer, l'outrager,
Dit un riche en crédit, bien sûr que sa puissance
Le met au-dessus de la loi.
Téméraire ! dans ta démence
Crains le désespoir, la vengeance
D'un être plus faible que toi :
Au défaut de la force employant l'artifice,
Il saura bien punir ton injustice.
L'aigle, un jour, du renard enleva les petits
Et les transporta dans son aire.
Pour le fléchir, la pauvre mère
Eut recours aux larmes, aux cris :
Inutiles efforts ! le tyran inflexible
A ses cris, à ses pleurs osa même insulter.
« Au sort, dit-il, cesse de résister :
Dans ce repaire inaccessible
Reprendre tes petits serait chose impossible. »
« Eh bien ! je les perdrai, s'écrie avec fureur
La mère au désespoir ; mais du moins ton malheur
Me vengera. Barbare ! outrageant la nature,
Tu me perces le cœur : sur ta progéniture
Tu pleureras aussi. » Soudain
Elle saisit sur un autel voisin
Un tison enflammé, le porte au pied du chêne
Qui recèle le nid où gisent enfermés
Les enfants encore implumés
Du cruel auteur de sa peine.
Pour sauver ses chers nourrissons,
L'aigle à son tour descend à la prière,
Trop heureux de pouvair désarmer la colère
De son redoutable adversaire,
En lui rendant ses enfançons.

Livre III, Fable 6




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