La Goutte de rosée et le Ruisseau Théodore Lorin (19è siècle)

Dans le sein d'une violette,
De rosée une gouttelette
Au lever de l'aurore humblement scintillait :
Un tranquille ruisseau, non loin de là, roulait
Parmi des prés fleuris ses ondes transparentes.
« Ô le plus heureux des ruisseaux !
Lui dit-elle, partout où se portent tes eaux
Tout se couvre de fleurs et d'herbes verdoyantes
Répandant sur tes bords une douce fraîcheur,
Durant tout le cours de l'année
Tu fertilises la contrée.
Moi, pour bien peu de temps, d'une timide fleur
J'abreuve le calice, et bientôt absorbée
Par les rayons d'un soleil desséchant,
J'aurai vu terminer, au bout d'un seul instant,
Mon inutile destinée. »
« Mon amie, entre nous, ta plainte est déplacée,
Répond le ruisselet aux reflets argentins.
Qu'importe une plus courte ou plus longue existence,
Une carrière obscure ou de brillants destins,
Si nous avons, chacun selon notre puissance,
Secondé les secrets desseins
De la divine Providence ? »

PROLOGUE DU LIVRE X

Amis lecteurs, c'est en tremblant
Que de mes faibles vers je vous offre l'hommage.
D'autres, par leur esprit, leur sublime talent,
Ont mérité votre suffrage ;
Ils sont le limpide ruisseau
Par qui la terre est arrosée,
Embellie et fertilisée.
Je suis loin de prétendre un destin aussi beau :
Puissé-je être, du moins, la goutte de rosée !

Livre X, Fable 20




Commentaires