Près d'un joli jardin, digne temple de Flore,
Végétait faiblement un buisson jeune encore.
« Mon bon ami, dit-il au jardinier,
Si tu daignais de tes mains bienfaisantes
Me cultiver ainsi que ce rosier,
Je donnerais des fruits et des fleurs éclatantes. »
L'ignorant jardinier le croit. Dans le jardin
Il le transporte un beau matin,
Et l'arrosant d'une onde fraîche et pure,
De le choyer il se fait un plaisir :
Avec joie il le voit croitre et se renforcir.
Mais le buisson, ingrat de sa nature,
Paya bien mal et les soins et l'amour
De son patron : au loin étendant ses racines,
Il eut bientôt de ses tristes épines
Infesté les lieux d'alentour.
Il fit bien pis enc-or : car la main vigilante
Qui l'arrosait d'une onde bienfaisante
Ne fut pas à l'abri de ses traits déchirants.
Votre tendre sollicitude
Vainement de bienfaits comblera les méchants ;
Vous n'obtiendrez pour prix des soins les plus touchants
Que la plus noire ingratitude.
ENVOI A MADAME DE POUGENS
Comme mon pauvre horticulteur,
Vous n'avez pas, ô sensible Julie,
De trouver des ingrats éprouvé le malheur ;
Mais chez vous, par tant de douceur
La bienfaisance est embellie !