Par un vieux paysan dont l'âme intéressée
Ne respirait que chicane et procès,
Pour une corde, à son dire usurpée,
Contre un sien voisin, du Palais
La cohorte fut appelée.
Huissiers, greffiers, avocats, procureurs,
Président, juges, assesseurs
Marchaient trop lentement au gré de sa colère.
A l'acharné plaideur on sent qu'il en coûta
Maints beaux écus : son adversaire
De son côté vivement résista,
Et par mille incidents il embrouilla l'affaire.
Notre homme à la fin l'emporta ;
Mais sa bourse était épuisée,
Et pour se pendre il lui resta
La corde qu'il avait gagnée.
Note de l'auteur : Ceci n'est pas tout à fait un conte inventé à plaisir. Feu mon grand-père, procureur à Meaux, s'était en vain efforcé d'empêcher un paysan d'intenter à son voisin un procès pour le paiement d'une corde à puits. Mon grand-père refusa de prêter son ministère au chicaneur ; mais deux autres procureurs moins délicats s'en chargèrent. Comme il n'y avait pas alors de juges de paix, l'affaire, portée successivement dans diverses juridictions, se compliqua d'un grand nombre d'incidents accessoires, et finit par occasionner tant de frais que l'un des plaideurs fut complètement ruiné.