Ne devant rien à la culture,
Un savart émaillé de fleurs
Vantait sa riante verdure
Que nuançaient mille couleurs.
À quelques pas, une terre en jachère
Offrait l'aspect de la misère.
« Bon Dieu ! quelle stérilité !
S'écria le savart : de cette nudité
Je suis honteux pour toi. » Cette attaque grossière,
Ce ton dédaigneux, insultant,
Blessèrent vivement la jachère, et pourtant
Elle répondit sans colère
A l'insolent savart : — « Mon cher, en vérité,
Ce dédain te sied mal. De quelle utilité
Es-tu pour l'homme ? Il est vrai la nature
Te couvre incessamment d'une triste verdure
Et de sauvages fleurs ; mais à peine aux troupeaux
Fournis-tu quelquefois une maigre pâture.
Moi, de produits toujours nouveaux,
J'enrichis le fermier. Si, nue et dépouillée,
Je me repose cette année,
Sous quelques mois le doux printemps
Me fera reverdir, puis d'épis jaunissants
!.'été me reverra fièrement couronnée,
Et les hommes reconnaissants
Vie trouveront encore abondante et fertile.
Ne plaignons pas à l'homme utile,
Après de longs et pénibles travaux
Quelques instants d'un doux repos.
Note de l'auteur : Savart, terre inculte. Ce mot, qui ne se trouve guère que dans nos anciennes coutumes, est d'un usage général dans le Soissonnais. Le savart diffère de la terre en jachère en ce que le mot savart désigne un terrain qui n'a jamais été cultivé et qui est peu susceptible de l'être.