Par un soir de printemps, un brillant papillon,
Se fourvoyant, entra dans un salon.
Il était las de sa journée,
De sa légère destinée,
Et l’ingrat maudissait les fleurs.
Dans la robe d’Elvire il courut de ses ailes
Cacher l’azur et les couleurs,
Et puis du inonde écouta les nouvelles.
On maudissait les papillons du jour,
Êtres capricieux, vains, légers, insensibles,
Occupés d’inspirer l’amour,
Quoiqu’à l’amour inaccessibles.
Le vrai papillon, outragé,
Fuit du salon, tout affligé.
« Fatiguez-vous, faites l’aimable,
Soyez donc galant, empressé,
On en est bien récompensé,
Ingrats ! Demain je me fais raisonnable. »
À peine l’aube paraissait,
Que, sous la feuille encor mouillée
D’une imposante giroflée,
Le papillon réfléchissait.
Concentré, sévère, immobile,
11 voyait les fleurs s’éveiller,
Sans quitter l’honorable asile
Où, faisant, en secret, semblant de sommeiller,
Il contenait son aile agile.
Ce fut bientôt un chorus général
De propos, de ris, de murmures,
De traits, d’épigrammes, d’injures.
« Oh ! l’intéressant animal !
Criaient toutes les fleurs, il est sentimental
Qui le rend si profond ? Est-ce la politique ?
Eh ! non, mes sœurs, n’en disons pas de mal,
C’est un papillon romantique.
Hâtez-vous, moucherons, zéphirs,
Débusquez ce mélancolique,
Il fut créé pour nos plaisirs. »
Aussitôt, chassé de son gîte,
Le papillon est relancé,
Honni, suivi, pressé, pincé,
Jusqu’à ce qu’enfin il s’agite :
« Mais laissez-moi, criait le malheureux,
Je veux me corriger, n’avoir plus de caprice ;
Le temps m’a rendu sérieux,
N’empêchez pas que l’on se convertisse ;
Quel despotisme ! c’est affreux ! »
Combien de gens qu’on blâme ou qu’on envie,
Ont désiré changer de vie !
Le monde le défend ; il veut les voir toujours
Occupés de jeux et d’amours.
Ils cherchent le repos, le calme, la sagesse ;
On les blâme encor plus, on les poursuit sans cesse,
Et malgré la raison, l’âge et le repentir,
Us ne peuvent se convertir.