L'Enfant et les Cailloux Ulric Guttinguer (1787 - 1866)

Connaissez-vous ce jeu divertissant
Où, lancé par un bras agile,
Le caillou bondissant
Sur une onde immobile,
Court, et, dans son rapide essor,
S’abat, s’élève, tombe et se relève encor ?
Ne le méprisez pas, car César et Pompée,
Dit notre bon Montaigne, aimaient ce jeu d’enfant,
Qu’il nomme, il m’en souvient, Cornichon ça devant,
Ajoutant qu’il vaut mieux que le jeu de l’épée.

Je voyais s’y livrer avec toute l’ardeur
Qui charme tant dans le jeune âge,
De joyeux écoliers qui faisaient au rivage
Répéter leurs cris de bonheur !
Quand l’un d’eux, qui plus tard sans doute fut docteur,
Fit un trait de grand personnage.

« Messieurs, .dit-il, vous êtes fous !
Comment ! choisir les plus petits cailloux
Pour un tel jeu ! mais l’erreur est grossière.
Regardez cette énorme pierre !
Voilà, je suis sûr de mon fait,
Qui va bientôt sur la rivière
Produire un plus brillant effet ! »
Il s’incline à ces mots, il soulève à grand peine
Et lance le pesant fardeau.
La pierre, que son poids entraîne,
Fait grand bruit, éclabousse et disparaît sous l’eau !

Un rire universel fit retentir la plage.
L’enfant, confus, plus tard a pu se souvenir
Qu’un grand, mal aisément surnage
Où les petits longtemps peuvent se soutenir.

Fable 8




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