Ma foi, vive Polichinelle !
Il n’est pas toujours de bon ton,
Mais il est gai, bon compagnon,
Et surtout d’humeur naturelle ;
Puis, quand il a quelque querelle,
Je le vois toujours le plus fort ;
Malgré moi cela m’intéresse,
Car je trouve, je le confesse,
Que les vainqueurs n’ont jamais tort.
Un jour, posté devant la loge
De mon héros, j’admirais sa valeur
Qui passe, à mon gré, tout éloge ;
Il rossait tout ! gendarmes, procureur,
Se moquait du public, riait du commissaire,
Et par ses propos agaçants
Le drôle amusait les passants,
Même aux dépens de son compère.
Près de moi de jeunes enfants,
Ravis d’une scène aussi belle,
Joignant les mains, disaient à leurs mamans :
« Ah ! donnez-nous Polichinelle ! »
On y consent. Jugez de leur plaisir !
Le marché fait, le prix du personnage
Payé, sans tarder davantage
On s’empresse de le saisir.
Mais en perdant son domicile
Polichinelle a tout perdu,
Il est muet, sourd, immobile,
Comme un mort il reste étendu.
Pauvres enfants ! leur tristesse est extrême,
Ils s’écriaient en essuyant leurs yeux :
« Est-il un trait plus odieux ?
» On nous trompe, on nous trompe, et ce n’est pas le même ! »
C’est bien le même, sur ma foi,
Dit un vieux spectateur ; mais apprenez de moi
Que tant de gens qui chez eux font merveille,
Parlent, agissent bel et bien,
Tirés de là ne sont plus rien.
Et puis encor, je le dis à l’oreille,
Ç’est que les hommes sont ce qu’on les fait valoir,
Il faut apprendre à les faire mouvoir.