Deux enfants l'un petit, l'autre plus grand, plus fort
Et beaucoup plus âgé, lançaient avec aisance
Des cailloux, et se flattaient fort
De les lancer à plus grande distance.
On fixe un but et chacun est armé.
Déjà le moins âgé déploie un bras flexible :
La pierre fuit, et l'air vivement comprimé,
Produit en vain un sifflement sensible.
L'autre facilement
Et même en se jouant
Dix fois franchit l'espace.
Le premier se consume en efforts superflus ;
Le but est loin pour lui, son petit bras se lasse,
Il faut qu'il cède, il n'en peut plus.
On est humilié lorsque l'on rend les armes.
Le plus grand prit un ton railleur.
Le vaincu fort piqué, montra beaucoup d'humeur
Et ne put s'empêcher de répandre des larmes.
Un homme avec plaisir regardait ces enfants :
Il les observait même en juge très sévère ;
Il les aborde et dit : « À lancer une pierre,
« Il faut en convenir, vous êtes surprenants ;
Mais, vous , monsieur, trêve de raillerie :
(On conçoit bien qu'il parlait au plus grand)
À la façon dont le petit s'y prend ,
Je veux vous voir un jour lui céder la partie. »

J'en dis autant de vous, ô timides auteurs
Que la critique désespère !
Par le travail désarmez vos censeurs :
Le laurier vous attend au bout de la carrière.

Livre III, fable 10




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