Dans un Parterre orné de fleurs de toute espèce,
La Vanité mit la division.
Chacune avec beaucoup d'adresse
De ses charmes faisait l'énumération ;
L'œillet croyait valoir la rose,
Et la tulipe au moins valoir l'œillet ;
Pour le dire en deux mots la moindre fleur avait
D'amour-propre une forte dose :
Je crois même que le chardon,
S'il eût été pour quelque chose
Dans le Parterre , aurait préféré son bouton
À la plus belle fleur nouvellement éclose.
Un lis enfin prit la parole, et dit :
« Je suis, mes sœurs, las de votre dispute :
Ah ! que vous montrez peu d'esprit !
Vous êtes l'une à l'autre en butte,
Et fort mal à propos ; notre variété
Rend bien plus riant ce Parterre ;
Et c'est par elle en vérité
Qu'il est toujours certain de plaire.
Une triste uniformité
Produit le dégoût, d'ordinaire :
Elle conduit à la satiété.
Oui, chacune de vous est belle par essence,
Le goût et la prévention
Ont entre nous mis quelque différence.
Mais, c'est bien peu de chose aux yeux de la raison. »
Le lis par ce discours apaisa leurs querelles.
Depuis les fleurs étalent leurs attraits,
Et, sans en paraître moins belles,
Sont l'une auprès de l'autre en paix.

Tous les auteurs sont le Parterre,
Leurs divers ouvrages les fleurs.
Puisse la paix entr'eux si nécessaire
Habiter aussi dans leurs cœurs !
Puisse enfin mon ame lassée
De leurs libelles outrageans,
Les voir entrer dans le lycée,
Et s'y montrer toujours honnêtes et décents !
Chaque fleur a son prix aux yeux des vrais savants,
Le pavot même et la pensée.

Livre III, fable 11




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