La liqueur fraiche et pétillante
Au cristal, couronné de fleurs,
D'une aurore douce et brillante
Prête le sourire et les pleurs.
Buvez : la joie et les douleurs
Sont des hochets.
- Buvez encore :
Pour vous le monde se colore
Comme ce globe passager
Qu'au bout du chalumeau léger
Un peu de savon fait éclore.
C'est passé !

Dieux ! quel feu soudain
Luit dans ta prunelle égarée !
Jeune homme, je vois dans ta main
La coupe... d'Armide... ou d'Atrée.
Cesse !

Il redouble ; et la liqueur
Porte dans son âme insensée
Cette fièvre de la pensée
Que suit la démence du cœur :
Gloire, voluptés, tyrannie ;
Vertige, frisson, insomnie,
Et quand le délire est passé,
Sur son front des gouttes brûlantes,
Dans ses yeux l'espoir effacé ;
Sur ses mains, des taches sanglantes....
Jette la coupe !

Il n'est plus temps.
Déjà circulent dans ses sens
Les glaces de la léthargie.
Comme il était, dans ses fureurs,
L'esclave de son énergie,
Il l'est de sa faiblesse ; il plie
Le genou devant ses terreurs.
D'une bouche avide et flétrie,
Il presse, il presse avec effort
La coupe glissante et tarie.
Elle échappe ; il touche la lie,
Voit le monde fuir.... et s'endort.

Coupe, qui ne souris qu'au bord,
Oh ! toujours !.. ou jamais remplie !

Fable 16




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