Puisqu'il est dans l'histoire un cheval consulaire ',
Césars qui de nos jours, comme Caligula,
Distribuez ces honneurs-là,
Qu'un chameau sénateur serait bien votre affaire !
O le coursier commode et doux !
Jamais dans ses naseaux le feu de la colère,
Jamais le pied lançant des coups ;
Toujours courbette et soin de plaire.
Voulez-vous l'étriller, le sangler ? voulez-vous
Le tondre ? il vous reçoit en ployant les genoux,
Comme tout bon sujet doit faire.
Si vous l'accablez de fardeaux,
Il pose deux genoux en terre,
Et n'en fait que mieux le gros dos.
N'allez à Franconi, ce grand homme qu'Homère
Eût nommé, comme Hector, le dompteur de chevaux,
Demander par quel art, inconnu du vulgaire,
Vous lancer d'un pied leste, et tomber à propos,
Sur ce dos vraiment exemplaire.
Montez, descendez à loisir :
Genoux ployés, le dromadaire
S'abaisse à votre bon plaisir ;
L'étrier n'est pas nécessaire.
En plat pays voyage-t-on
Sur l'animal génuflexible,
Craindre le mors aux dents serait hors de saison :
Du bon cheval troyen il a l'humeur paisible ;
Docile, même à jeun, aux ordres du licou ;
Vif et léger, quoique docile !
Est-ce tout ? non ; la route, un moment dissicile,
Offre-t-elle une roche, un ravin ? son genou
Ploie encor ; son pied glisse... on se casse le cou.
C'est donc parfois un mal que le genou fléchisse ?
Souplesse à la rotule est faiblesse au jarret !
Oh bien ! si la fortune, aux paresseux propice,
Fait monter aux honneurs...-Qui ?- Moi, votre valet ;
Priez, mon cher lecteur, priez Dieu qu'il bénisse
Ma route ; à mon coursier qu'il donne, s'il lui plaît,
Des genoux de chameau... mais des pieds de mulet.
Si c'est trop demander, s'il faut que je choisisse,
Chameau, mon bel ami, le chemin est bien dur !
J'ai regret aux genoux souples... mais un pied sûr
Me convient mieux qu'un pied qui glisse.