Les frimas étaient revenus :
Feuilles et fleurs jonchaient la terre ;
Les bosquets, les champs étaient nus,
Et les bois touffus, sans mystère.
Pour sauvegarder le trésor
De la fécondité future,
Un peu de neige vint encor
Couvrir d'un linceul la nature.
Plus rien pour les petits oiseaux.
Adieu, gaîté, plaisirs, repos !
Plus de grain, plus de nourriture.
Un homme assis commodément
S'amusait, au mois de décembre,
De la fenêtre de sa chambre,
Avoir paraître à tout moment
Un pauvre oiseau qui, dans la neige,
Allait cherchant, grattant, et, grâce à ce manège,
Trouvait quelquefois à la fin,
Pour satisfaire un peu sa faim,
Du pain, un ver, du grain, que sais-je ?
Entre autres parut un pinson
Qui fixa l'hôte de façon
A l'émouvoir. Pinson, que veux-tu ? — La famine -
M'a mis bien près de ma ruine.
Depuis hier je suis à jeun ;
Je craignais fort d'être importun ;
Mais tu sembles bon, et j'espère...
Notre homme était déjà parti.
L'oiseau dit : Ce seigneur est peut-être en colère,
Et sans doute qu'il va me faire
Ici même un mauvais parti :
Les hommes sont si durs ! Mais mourir de la sorte,
Ou mourir de faim, que m'importe ? -
L'hôte bientôt fut de retour.
(Cet homme était fort bon, aussi le voisinage
Le traitait-il d'esprit peu sage.)
Tiens, j'ai dîné, dine à ton tour. —
Et vite il ouvre sa main pleine
De bribes de pain... Quelle aubaine !
Le pinson y courut ; quelques moineaux aussi...
Quand on eut dîné bien à l'aise,
Le pinson de parler ainsi :
- Nous viendrons tous, ne te déplaise,
Dès qu'aura paru le printemps,
Célébrer ici par nos chants
Ton action si charitable.
La belle affaire, en vérité !
Quelques miettes de ma table,
Voilà toute ma charité. —
Tu nous as secourus, et tu l'as fait si vite !
Accorder sans retard le bienfait qu'on attend,
En augmente fort le mérite.
—
C'est doublement donner que donner sur-le-champ.