J'écris surtout pour le jeune âge,
Et dois montrer combien de perfides conseils
Lui peuvent causer de dommage.
Nombreux sont les amis à mon renard pareils.
-Quel affreux métier est le vôtre !
Disait un jour à certain chien
Un renard du quartier (c'était un bon apôtre,
De tout capable, hormis le bien).
Vous consumez votre jeunesse
Au service d'un maître ingrat.
Du pain noir et des coups, un collier qui vous blesse,
Sont les revenant bons de votre triste état,
Et devenez-vous vieux, on vous met une pierre
Au cou, puis, preste, à la rivière,
Et les poissons de vous manger.
Je frémis rien que d'y songer !
Vous ne voyez donc pas, innocent que vous êtes,
Que l'homme est la pire des bêtes ?
Le renard en cela, mentait- il ? Je ne sais).
Cher Canichsmann, quittez ce maître que je hais.
Je puis vous proposer une nouvelle vie,
De plaisirs constamment suivie,
Vie indépendante où les coups
Ne tomberont jamais sur vous.
Aux humains nous ferons la guerre,
Au lieu de nous la laisser faire :
Nous leur prendrons canards, poulets, dindons. La nuit,
Pendant qu'à vos pareils vous donnerez le change,
En les attirant dans la grange,
Ou bien ailleurs, j'irai sans bruit,
Au cœur du poulailler, saigner avec adresse
Poulets et gens de même espèce,
Que la nature a faits pour nous
Et que nous croquerons plus tard. Qu'en pensez-vous ? -
- Mais n'est-ce pas beaucoup s'exposer ?
Vous exposer !... - Qu'est-ce à dire,
Le chien se laisse enfin séduire.
Et devient, en huit jours, voleur et meurtrier.
..... C'était vraiment un beau métier,
Rempli d'émotions, exaltant le courage !
Mais chez le renard que de rage !
Moins terrible, vengeant les siens,
Devait sembler Achille au milieu des Troyens.
Le succès fut complet tout le cours de l'année,
Nos amis étaient gras à lard.
Mais toute vie est destinée,
Hélas ! à rencontrer quelque fâcheux hasard.
Un beau jour, quand parut l'aurore,
On les vit, s'acharnant encore
Après maints poulets et dindons....
On court bien vite, on frappe, on saisit nos larrons.
Puis un procès en bonne forme
Condamne l'un et l'autre à mort.
On pendit, pour l'exemple, à la branche d'un orme
Canichsmann qui pleurait son sort.
- Cédant au repentir, peut-être,
Il s'écria, mais un peu tard :
Foin du métier qui fait pendre son maître ! –
On n'a pas su ce que dit le renard.