Un jour, dans un sentier, une branche épineuse
M'accroche, me retient , se prend à mes habits,
Me déchire, malgré tout ce que je lui dis.
Comme elle était fort querelleuse,
Je fus même obligé d'en venir aux gros mots,
Et voulus la punir de sa scélératesse .
« Épargne-moi , dit-elle, en voyant mes rameaux
Dont le charme t'a plu, dont la Fleur t'intéresse .
Puisque je suis Rosier , que ta colère cesse !
Te voyant près de moi venir,
Je n'ai pas pu me contenir :
Profitant de l'étroit passage,
J'ai cru devoir te retenir
Pour te donner un avis sage,
Dont tu devras te souvenir.
On m'a dit que tu te proposes
De mettre en scène quelques Fleurs,
Des Plantes, des Arbres parleurs,
Et de faire causer les Roses,
Au lieu de tous ces Animaux
D'espèces plus ou moins sensées
Dont la Fontaine à tout propos
Nous a révélé les pensées.
Nous valons bien tous ses Héros.
Et peut-être même qu'en fables
On nous trouverait agréables
Un peu plus que des Bestiaux,
Des Chiens , des Chats ou des Moineaux.
Tu fais très bien : cette méthode
Te fournit des sujets nouveaux
Que tu pourras mettre à la mode.
Je te recommande mes Fleurs.
On fait assez cas, dans le monde,
De nos parfums, de nos couleurs ;
Et notre famille est féconde.
Que ton talent nous fasse aimer !
Qu'il s'évertue, et se déploie
Dans l'intention de charmer ;
Peins-nous chaque Fleur ! que l'on croie
La voir sous tes doigts se former !
C'est trop peu de nous la nommer :
Par ton art il faut qu'on la voie.
Dans notre sein tu trouveras
Des sources d'aimable imposture ;
Et, par ton art, tu prêteras
Des charmes même à la nature.
Tu connais nos mœurs et nos lois ;
Tu peindras tout ce que tu vois :
Nous avons la grâce élégante,
Et, malgré notre douce voix,
La repartie aigre parfois,

Fable 2










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