Les idées d'un Papillon Anatole de Montesquiou-Fezensac (1788 - 1878)

J'ai connu pendant tout un jour
Un Papillon digne d'amour.
D'après ses plaisirs, ses usages
Et ses innombrables voyages,
Je supposai que sur les Fleurs,
Sur leurs destins, sur leurs mystères,
Sur leurs coutumes, sur leurs mœurs,
Sur leurs différents caractères,
Les renseignements les meilleurs
Viendraient de ce petit volage
Toujours léger, parfois pervers,
Indiscret amant du bocage,
Et brillant oracle des airs.
Or les Fleurs, dans la solitude
Où s'écoulent mes heureux jours,
Furent, sont et seront toujours
L'objet de ma constante étude
Et de mes fidèles retours.

Possédant le rare avantage
D'entendre assez bien son langage,
Je pus, au gré de mon espoir,
Tirer de mon jeune sauvage
Ce que je désirais savoir.
Il parla comme eût fait un sage,
Non pas de ceux qui sont pédants,
Qui ne content jamais fleurette,
Et qui s'en vont dans la retraite
Chercher des morts pour confidents.
Celui-ci, conteur agréable,
Bien plus que beaucoup de savants,
Et de sagesse incontestable,
Se plaisait fort chez les vivants.
Ce n'était pas de la lecture
Que venait son instruction ;
Il avait formé sa raison
En étudiant la nature,
Et ce moyen sans doute est bon,
C'est un utile exemple à suivre :
Il faut, quand les yeux sont ouverts,
Et que l'on veut choisir un livre,
Que ce livre soit l'univers.

Ce petit causeur bénévole,
D'un genre tout à fait nouveau,
Moitié grave, moitié frivole,
Se posant sur un Arbrisseau,
Prit en ces termes la parole :

« J'ai toujours compris que les Fleurs,
Même sans être congénères,
Peuvent passer pour être sœurs
Tout comme les humains sont frères :
Leurs qualités, leurs caractères,
Leur sort, leurs vertus, leurs noirceurs,
Leur carrière, leur origine,
Leurs prospérités, leurs malheurs,
Méritent qu'on les examine.
Mais, de tous leurs brillants destins,
Celui qui, dans mainte occurrence,
Offrant les traits les plus certains,
Frappe le plus l'esprit qui pense,
C'est la parfaite ressemblance
Qu'elles ont avec les humains,
Du moins ceux de ma connaissance.
Regardez bien, et vous verrez
Que pour les philosophes sages,
Pour tous les esprits éclairés,
Toutes les Fleurs sont des images :
Elles parlent à tout venant,
Je cause avec elles souvent.
Leur langue est facile à comprendre :
Dès qu'on les voit, on les entend,
Et l'on ne saurait s'y méprendre.

Fable 1
















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