Une Rose mourait à la fleur de son age.
D'un ouragan cruel c'était l'horrible ouvrage.
Mais, pour faner tant de fraîcheur,
Il n'eût pas été nécessaire
D'employer autant de rigueur :
Un rayon matinal, un peu trop de chaleur,
Une goutte de pluie, un rien faisait l'affaire.
Cette Rose, en naissant, eut tant d'admirateurs,
Que l'on porta son deuil dans l'empire de Flore.
Un témoin oculaire assure que l'Aurore
A ce sujet versa des pleurs.
Enfin même on a dit encore
Qu'au sein de ce parterre, un Papillon léger,
Déplorant ce funèbre outrage,
Pendant tout un matin cessa de voltiger.
Quoi ! si jeune mourir ! disait-on, quel dommage ! »
Cessez, leur dit la Fleur, ce profane langage.
Si j'avais plus vécu, j'aurais eu le chagrin
D'entendre dire avec dédain :
Conçoit-on qu'elle ait été Rose ?
Soumise au sort fatal que la naissance impose,
Il m'eût fallu mourir après l'affreux déclin.
Ce qu'on doit perdre un jour me semble peu de chose.
Adieu, Fleurs ! J'aime mieux finir à mon matin,
Et des phases de la carrière
Que me réservait le destin
N'avoir connu que la première.
Je quitte sans regret tous les droits des vivants,
Puisqu'ils sont un bien éphémère.
Adieu, j'abdique une chimère,
Et ne laisse que des mourants. »