Cloris, assise à sa toilette,
Admirait son image, et, d'un air nonchalant,
Laissait à l'adroite soubrette
Le soin d'orner un front charmant,
Quand tout à coup une Guêpe étourdie,
En bourdonnant s'approche du miroir
Où la jeune Cloris, de sa beauté ravie,
S'applaudissait de son pouvair.
Au seul aspect d'une mouche en furie,
Chacun le sait, toute femme jolie
Doit pour le moins s'évanouir.
Cloris se pâme, elle s'écrie ;
Fanny d'un éventail est prompte à se saisir.
La Guêpe va, revient, voltige ou se repose
Sur le front de Cloris, sur ses lèvres de rose,
Et redouble encor son effroi,
— Est-il un monstre aussi cruel que toi ?
» Dit Cloris, qui toujours redoute son approche.
— Je mérite peu ce reproche,
Répond la Guêpe avec un ton flatteur ;
» Ah ! quittez ce maintien revêche,
» Belle Cloris, excusez mon erreur,
» Au velouté charmant, à la même fraîcheur,
» Je vous prenais pour une pêche ;
» D'un suc délicieux je croyais m'abreuver ;
» Puniriez-vous mes torts ? vous en êtes la cause.
» Des zéphyrs il faut donc aussi vous préserver,
» Car ils vous prennent pour la rose. ».
— Fanny, repart Cloris, avec vivacité,
« Protégez cette aimable mouche ; »
Je veux que rien ne l'effarouche,
» Et qu'elle vole en liberté. »
La Guêpe en profita ; mais, indiscrète et vaine,
Elle publia son bonheur ;
D'un thé divin sa trompe a conservé l'odeur ;
Il est puisé dans cette porcelaine
Où Cloris a versé l'agréable liqueur.
Un fat jamais ne sait se taire,
Et d'une faveur ordinaire
Il fait une grande faveur.
Et ne s'aperçut que trop tard
Que chaque guêpe avait un dard.
Ceci s'adresse à vous,
Beauté vive et légère ;
Je vois autour de vous les flatteurs s'empresser ;
Accueillez le premier, vous ne tarderez guère
A trouver tout l'essaim ardent à vous blesser.