Deux beaux pigeons, mile et femelle,
Venaient de s'accoupler.
(L'union, au début, on le sait est si belle !)
Ils tic cessaient de roucouler.
Tous deux étaient de la frivole race
Qui court les champs,
Qui va de place en place,
S'abattre sur les grains que l'on sème au printemps.
Le premier mois, tout se passa dans les délices,
Leur amour descendait du ciel,
Comme, dans les fleurs, les calices.
Au lever du soleil se remplissent de miel
Le second mois, léger nuage
Vint ternir ce premier bonheur ;
Puis les propos piquants, puis la mauvaise humeur,
Troublèrent le ménage.
Plus de ces mots : petit bijou, petit mignon ;
Plus de tendre caresse ;
La femelle, dans tout, voulait être maîtresse,
Repoussait durement, les désirs du Pigeon,
Et quand il roucoulait : ma bien chère petite,
Veux-tu venir te promener ?
A ce plaisir le soleil nous invite,
Un non, bien sec, disait : je veux rester.
Si dans le mémo jour le ciel devenait sombre,
Si les bois, les coteaux, si tout rentrait dans l'ombre ;
Si le tonnerre, au loin, venait à retentir,
Alors elle voulait sortir.
Plus vive que la poudre,
Plus effrayante que la foudre,
Sur le pauvre pigeon elle falsa.it pleuvoir
Injures et coups de becs, du matin jusqu'au soir.
Et celui-ci disait en son martyre :
Plus je crois proposer ce que son cœur désire,
Plus j'éprouve un refus ;
Ma foi je n'y tiens plus.
Il alla consulter un sage, son confrère,
Qui lui dit en deux mots t Si tu veux obtenir
De ton cœur le désir,
Propose toujours le contraire,
Il le lit, et fit bien.
Patience dans un ménage,
Pour obtenir la paix, pigeon, c'est le plus sage ;
Pour conserver l'accord, c'est le plus sur moyen.
Soyez bons, prévenants, tous deux battez des ailes,
Le bonheur n'est donné qu'aux amours mutuelles ;
Qu'aux sympathiques cœurs qui dans tout n'en font qu'un ;
Mais ce bonheur n'est pas commun.

Livre IV, fable 10




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