Les Oies et les Pigeons L-S du Ruisseau (16?? - 17?)

Un jour d'hiver qu'à la campagne
La neige couvrait tous les champs ;
Des Oisons venus d'Allemagne,
J'entends de ces oisons volants
Qu'entre nous, nous nommons sauvages,
Allaient par ci, par là cherchant
Dans des pré, dans des marécages
De quoi pouvoir fournir à leurs besoins pressants.
Des Pigeons qui pour lors prenaient leurs passe-temps
A fendre les airs de leurs ailes,
Et qui comme l'on fait sont de fort bonnes gens,
D'un accord avec leurs Femelles
Firent ce compliment à Messieurs les Oisons :
Venez nos très honorés frères,
Venez mettre une fin au cours de vos misères ,
En prenant le couvert au fonds de nos maisons ,
Nous avons à manger pour plus de dix semaines.
Ainsi jusques au temps que la belle saison
Vienne nous découvrir la beauté de nos plaines,
De nos mets nous vous nourrirons.
Telle offre en temps pareil ne se refuse guère,
Est-il étrange qu'on préfère
De bonne vesse à des glaçons ?
On prend donc au mot les Pigeons :
On vole droit à leur demeure.
Les jours à ces messieurs ne duraient pas une heure,
Tant ils étaient charmés du discours des Oisons.
Nous avons parcouru trente fois l'Allemagne,
Disaient nos nouveaux pèlerins,
Nous avons traversé même les Apennins ;
Et de l'Italie en Espagne
Nous savons aussi les chemins.
Ces récits, aux Pigeons firent naître l'envie
D'entreprendre avec eux un voyage au printemps.
Ceux qui ne font jamais sortis de leur Patrie
S'imaginent qu'ailleurs il pleut des Ortolans.
Le beau tems donc venu tous prennent la volée
Sous la conduite des Oisons,
On traverse bois et vallée
On atteint des Alpes les Monts
Mais par malheur pour les Pigeons,
Des vautours avertis, par le maudit ramage
Que formait dans les airs le babil des Oisons,
Les Vautours, ces oiseaux carnassiers et gloutons,
Des nouveaux voyageurs font un ample carnage
Tel fut le sort de nos Pigeons.

Je regarde en ceci plus de gens qu'on ne pense.
Premièrement les Babillards,
De qui très souvent l'imprudence
Engage leurs amis dans de mortels hasards.
Je blâme aussi ces gens qui par leur inconstance
D'un raisonnable état ne sont jamais contents;
Ces volages, ces inconstants
Dont la pépinière est en France.

Livre II, fable 8




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