L'Ouvrière et l'Hirondelle Auguste-Charles Delétant (1802 - 18??)

Une Hirondelle, imprudente, étourdie,
Comme on l’est bien souvent au printemps de la vie,
Voulut prendre un jour son essor ;
Mais, pour voler, trop faible encor,
La pauvrette, mal avisée,
Se laissa choir sur la croisée
D’une ouvrière de Paris.
Cette dernière, accourant à ses cris,
La saisit et la met en cage.
Trop jeune pour sentir le poids de l’esclavage,
A sa prison l’oiseau parut s’accoutumer,
Et bientôt l’on vit se former,
Entre notre captive et la pauvre ouvrière,
Un accord sympathique, une amitié sincère.

Attentive aux moindres besoins
De son oiseau chéri, la sensible lingère
Lui prodiguait ses caresses, ses soins ;
L’Hirondelle reconnaissante
Se perchait sur son doigt, babillait, becquetait,
Et du matin au soir chantait.
Triste toujours quand l’autre était absente,
L’entendait-elle au logis revenir ;
Ses cris joyeux, son aile frémissante,
De revoir son amie exprimaient le plaisir.

Tout alla pour le mieux jusqu’à la mi-septembre,
Quand, certain jour, au-dessus de la chambre,
La prisonnière entendit un grand bruit,
Et soudain aperçut, de son étroit réduit,
Des hirondelles par centaines
Qui, se disposant au départ,
Pour s’envoler vers des plages lointaines,
Tenaient conseil sur un toit à l’écart.
A cet aspect, l’oiseau d’abord s’étonne,
Puis réfléchit ; il s’agite, frissonne,
Et l’amour de la liberté
Se réveille en son cœur, ardent, irrésistible ;
Sa tant douce captivité
Se change à l’instant même en un supplice horrible,
Et, de colère transporté,
L’esclave veut rompre sa chaîne.
Contre les fils de fer sa tentative est vaine ;
Folle de désespoir, dans un suprême effort,
La captive brisa ses ailes,
Et le départ des hirondelles
Fut bientôt suivi de sa mort.

Vainement d’un captif vous trompez la souffrance ;
Quand sous un joug de fleurs il semble se plier,
Un jour vient où son cœur rêve d’indépendance :
Il sent qu’il est né libre et ne peut l’oublier.





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