Le Renard, l'Hirondelle et le jeune Chien Louis-Maximilien Duru (1804 - 1869)

Un Renard philosophe avait fait sa tanière
Aux bords fleuris d'un limpide ruisseau ;
Un jeune chien, argus d'une chaumière,
Devenu son ami, s'échappait du hameau,
Et venait quelquefois apprendre à vivre en sage
Sur les gazons de l'ermitage
Où méditait ce saint nouveau.
Un jour, plein d'ardeur, il arrive :
La tanière est déserte et déserte la rive.
Il appelle, et l'écho des bois
Vient répondre seul à sa voix.
L'ermite
Avait pris la fuite.
— Quoi ! sans en avertir son ami tant chéri?
— Justement, dit une Hirondelle.
Imitez sa conduite, il s'est montré fidèle
Aux sévères leçons dont son coeur s'est nourri.
Le sage qui s'élève au-dessus de la terre
Commande aux plus doux sentiments,
Et, s'il entend crier la nature, ou les sens,
Il leur ordonne de se taire —

Pourtant, vous que j'ai peint dans ce léger discours,
Pour moi soyez un peu moins sage.
Du fond de votre autre ermitage,
Sachez m'apprendre que toujours
Dans votre coeur le mien garde sa place,
Et qu'au nouveau rivage où vont couler vos jours,
Ni l'onde d'oubli, ni la glace
N'éteignent nos saintes amours.
Laissons le sévère silence
A celte froide indifférence
Qui règne aujourd'hui parmi nous.
La charité n'est point muette,
Ses discours sont fréquents et doux.
Quand le Christ faisait la conquête
Des mortels qu'il venait guérir,
11 vivait avec eux ; pour les mieux secourir,
Il leur parlait son doux langage,
Il leur montrait la route où doit marcher le sage.
Si vous ne pouvez plus avec moi discourir,
Vous condamnez-vous au silence?
Une plume qui veut courir,
Pour raconter ce que l'on pense,
Parle souvent mieux que la voix.
Or, si l'éloignement nous défend de nous dire
Ce que si bien nous disions autrefois,
Ah! sachons du moins nous l'écrire.
Avant que vos vertus s'effacent de mon coeur,
Surville, abaissant sa hauteur,
Deviendra le lit de la Seine,
Et Montereau verra, dans sa fertile plaine,
Oubliant de mêler leurs eaux,
Nos deux fleuves taris former deux monts nouveaux
Vous le savez bien, je vous aime,
Et vous, chérissez-moi de même,
Et que, de vos bords jusqu'aux miens,
Les chevaux de la diligence,
Pour nous consoler de l'absence,
Portent souvent nos charmants entretiens ?

Livre II, fable 11




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