Le Renard et la Cigogne Charles Beaulieu (19ème)

Tel qui se fait un jeu de tromper tout le monde,
Peut se trouver trompé par un plus sot que soi.
L'exemple suivant fera foi
Que mon assertion sur des preuves se fonde.

La Cigogne au Renard dit un jour : Mon voisin,
Si vous vouliez en croire une vieille voisine,
Nous mettrions en commun la dépense et le gain,
Tout n'en irait que mieux , la bourse et la cuisine,
Tout au moins je le crois,
Et me suis dit cent fois :
Deux moyens sont plus qu'un pour résoudre un problème.
Vous sentirez de loin, moi j'atteindrai de même ;
Bien volontiers, dit le Renard,
Pensant que pour lui seul serait cet avantage ;
Et nous avons, même un peu tard,
Attendu tous les deux ; mais on peut à tout âge,
Agir plus sagement qu'on ne l'a jamais fait.
Impatient, le renard, au langage
Voulut bientôt joindre l'effet.
'ai découvert, dit- il, un jour à sa commère,
Des raisins que je crois tout à fait mûrs à point ,
Mais comme ils sont trop hauts. - Je vous entends, compère
Vous voulez qu'ils soient mis tout juste à votre point ;
Ce sera bientôt fait. Notre renard la mène
Aux raisins. En effet , elle en goûte une graine,
Et puis deux, et puis trois, et puis tant qu'à la fin,
Sans songer seulement si le renard a faim,
La dame croque tout ce qu'elle peut atteindre.
Le sire était sur le point de s'en plaindre
Quand, tout-à-coup, des chiens que tout près l'on entend
Font remettre l'aveu de son ressentiment.
La Cigogne dans l'air s'enfuit à tire-d'aile.
Mons Renard tout penaud enfile la venelle.

Livre I, fable 18




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