La Mort et le Bûcheron Charles Beaulieu (19ème)

Un pauvre bucheron tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot, malgré ses jeunes ans,
Gémissant et courbé marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumière enfumée.
Enfin n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
Il met bas son fagot et songe à son malheur.
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier et la corvée,,
Lui font d'un malheureux la peinture achevée.
Il appelle la mort ; elle vient sans tarder :
Lui demande ce qu'il faut faire,
C'est, dit-il, afin de m'aider
A mieux supporter ma misère,.
En exauçant les vœux que te fait chaque jour,
Un mien oncle, tu sais, de finir sa carrière,
Et ses infirmités ; et moi dans mon amour
Pour ce vieillard, c'est aussi la prière
Que je te fais, ô mort !
Et je la crois sincère,
Répond la mort, et sais maints héritiers,
Qui, dans leur convoitise,
Voudraient voir volontiers,
Tel oncle prendre pour devise :
« Si le trépas pour nous vient tout guérir,
Mieux vaut mourir que souffrir. »

Livre I, fable 18




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