Un jeune Loup, des environs du Mans,
Dans une vie efféminée,
Laissait consumer ses beaux ans,
Et démentait sa destinée.
Aucun élan, nul essor vers le bien ;
Il n'égorgeait Cerf ni Génisse,
Tremblait de peur, même à l'aspect d'un Chien,
Redoutait l'air des bois et s'enrhumait d'un rien.
Ce Loup, comme l'on voit, avait bien plus d'un vice.
Aussi, dans son allure et dans tour son maintien,
Représentait-il la famine ;
On lui comptait tous les os de l'échine.
Périssant, faute de soutien,
Il se lia pour fonder sa cuisine,
Avec un franc Epicurien.
C'était Rusé, Renard des plus habiles,
Fin gourmet, nourri d'ortolans,
Ayant flairé dans ses courses agiles,
Les meilleurs poulaillers du Mans
Mon efflanqué, que la faim seul excite,
Le flatte, le caresse et s'enrôle à sa suite.
Quand la nuit tombe ils vont, de buissons en buissons,
Ensemble éventer les volailles.
Ils déjeûnent avec des Cailles,
Et pour dîner emportent des Chapons.
Un jour le Lieutenant du Général d'armée,
Se tapissa le gosier de duvet,
En mangeant une poule avant qu'il l'eût plumée,
Et toute la semaine il en eut un hoquet.
Il s'oubliait dans la mollesse,
N'approchant pas des grands troupeaux,
S'applaudissant de sa faiblesse,
Et dédaigné des moindres Louveteaux,
Près d'une Basse-cour nouvelle,
Il rodoit un matin, sans bruit, le nez au vent,
Aux leçons du Renard bien strictement fidèle.
Un Loup-cervier le vit ; il était son parent :
Lâche, s'écria-t-il, opprobre de l'espèce,
Quel métier fais-tu là ? Tu n'es Loup qu'à demi.
Allié d'un Renard, réduit à sa finesse,
Sous quel joug te vois-je endormi ?
Acquiers des forces, mon ami,
Tu n'auras pas besoin d'adresse.