Deux Chasseurs côtoyaient les bords d'un marécage,
Suivis de leurs faucons, corsaires des étangs,
Et qui semblaient impatiens
De rester oisifs au rivage.
L'un des deux lâche son oiseau
Sur un canard, qui, sauvé par la ruse,
Se plonge, glisse au fond de l'eau,
Et croit avair vaincu l'ennemi qu'il abuse :
Mais, celui-ci, fidèle à marquer ses détours,
Rase l'onde, le presse et le poursuit toujours.
Craignant qu'un seul faucon ne puisse avair la bête,
L'autre Chasseur laisse partir le sien ;
Et moi, si je m'y connais bien,
J'augure mal de la conquête.
Le premier, qui se croit aussi fin qu'Annibal,
Indigné qu'un second lui dispute sa proie,
Agite, avec fureur, ses ailes qu'il déploie,
Laisse fuir le gibier et fond sur le rival,
Tel sert son Prince et sa patrie,
Tant qu'à lui seul tout l'honneur appartient ;
Mais dès qu'un autre chef survient,
On songe à le détruire et le reste, on l'oublie.
À mettre en perspective avec L'Aigle et le Lion de Victor Hugo.