Le Singe et le Chien Comte de Soubiras (19è siècle)

Pongo, Singe de son métier,
Et Pilleloup, fameux limier,
Sous même toit, et chez un commun maître,
Passaient leur vie assez différemment.
Le Singe, mauvais garnement,
Enchaîné par les pieds aux fers d’une fenêtre,
Servait tout à la fois d’exemple et de jouet.
Pour être ainsi traité de quoi fût-il coupable ?
D’un cas énorme, et digne du gibet,
Si malice de Singe était un cas pendable.
Le Chien, garde fidèle et loyal serviteur,
Eut toujours bouche en cour, bon chenil à l’étable,
Et liberté surtout : c’est là son vrai bonheur ;
Car sans la liberté quel bien est désirable !
« Cher Pilleloup, disait un jour au Chien
Notre Singe galérien,
Tu le vois, sans égards pour ma noble figure,
Cruel envers moi seul, le maître de céans
M’accable de fers outrageants.
Toi qui n’as avec lui, dans toute ta structure,
Nulle conformité d’espèce ou de nature,
Tu traites cependant de pair à compagnon,
Et sembles respecté de toute la maison.
Je n’en suis pas jaloux ; peut-être tu mérites
Plus encore. Mais moi, qui suis du genre humain
Le parent le plus proche, est-ce un frère, un cousin,
Qui devait me tenir dans ces chaînes maudites ?
- Animal grimacier, dit le Chien, si ton corps
Est semblable à celui de l’homme,
De cœur plus vil qu’une bête de somme,
A la faveur de ces rapports,
Tour-à-tour ou moqueur ou traître,
Tu ne veux qu’insulter, ou bien nuire à ton maître.
Il t’a ravi la liberté ;
Mais il te laisse vivre, et c’est trop de bonté. »

Que l’habit ne fait pas le moine,
C’est un dicton assez banal,
Connu même du siècle où vécut saint Antoine.
Grotesque imitateur, ou plat original,
Le Singe explique au mieux le mot de ce proverbe.
Mais le sens m’en paraît plus beau, plus séduisant,
Sous l’emblème du courtisan.
Chaînes d’or, et licou superbe,
Ne cacheront qu’aux yeux d’un sot
Les ridicules du magot.





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