L'autre jour couché dans l'herbage,
Un âne, en mangeant son chardon,
S'avisa, contre son usage,
De faire une réflexion.
Sans résister, dit-il, j'obéis à mon maître.
Esclave dès mes jeunes ans
Ne puis-je enfin cesser de l'être ?
C'en est fait, désormais à mon gré je prétends
Courir, me reposer, veiller, dormir et paître.
Qu'il vienne, mon tyran armé de son bâton,
Qu'il vienne ; à coups de pied soudain je le salue,
Et vous le mets à la raison. -
Sur ce le maître arrive... aussitôt le grison
Tremble , et baissant d'effroi son oreille velue,
Dépose l'air rebelle et fait le pied de grue.
Il se laisse embâter aussi doux qu'un mouton,
Trop ami de sa peau pour que jamais il rue.

Tel menace de loin qui de près fait le bon.

Livre II, fable 16




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