Il prit fantaisie, un beau jour,
A certain roi de basse-cour
De vouloir donner une fête !
Il ne ménagea rien pour qu'elle fût complète.
Enfin ce jour arrive !... Au maitre du logis
Chacun des invités présente ses amis
Et les amis de ses amis... usage,
En notre temps, dans certain monde admis.
L'amphytrion, prônant un gracieux visage,
Dit à ses invites : « Avant d'ouvrir le bal,
« Je crois qu'il ne serait pas mal
De vous donner, Messieurs, quoique peu de musique. »
Et ce mot
Aussitôt
Produit sur l'assemblée un effet tout magique.
On se place, on se tait. Se présente d'abord
Un jeune rossignol ; on lui donne l'accord ;
Puis il tousse et commence... En vain ma rhétorique
Ici s'épuiserait à vous bien retracer
Son chant pur et divin ; je n'en veux donc rien faire.
Cependant le public est loin de l'encenser :
L'un cause et rit, l'autre parle d'affaire,
Ou baille sans pudeur ; enfin quelques bravos
De notre exécutant sont l'unique salaire,
« Ses chants, dit un lapin, sont loin d'être nouveaux,
Et c'est toujours la même chose. »
Après vient un canard qui fièrement se pose,
Prétendant imiter le cri des animaux.
Dès son début il captive la foule,
En imitant le paon, la pintade et la poule
« Sublime ! ravissant !... » dit-on, et l'on se roule,
Sans se lasser de l'applaudir ;
Chaque invité se pâme d'aise
A chaque nouvelle fadaise
Que débite l'oison, Dans l'élan du plaisir,
Le public, à grand cris, décida que personne
N'avait plus de talent. Il eut donc la couronne ;
Puis il reçut tant de riches cadeaux,
Que, pliant sous le faix, il en courba le dos.

Artistes, à quoi bon ce noble et saint délire
Qui des beaux-arts vous fait rechercher les secrets ?
Voulez-vous obtenir de l'or et du succès ?
Montez sur des tréteaux et faites un peu rire :
Vous gagnerez votre procès.

Livre I, fable 13




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