Le Moribond et son Curé Édouard Granger (19ème siècle)

Un moderne rêveur, soi disant esprit fort,
Au moment de régler son compte avec la mort,
Disait à son curé, prêtre sexagénaire :
« Vous prétendez du paradis
Me frayer le chemin ; vraiment, je vous le dis,
A vos secours je ne crois guère.
N'êtes-vous pas pécheur et faible comme moi ?
Des passions vous subissez la loi ;
Nous sommes, en un mot, d'une même nature,
Et les hommes ne sont qu'un peu de boue impure. »
Ce beau discours fini, le voilà pris soudain
D'une quinte terrible ; alors notre sceptique
Avec empressement boit un doux spécifique
Qu'on avait préparé dans un vase d'étain.
Le bon curé lui dit: « Ce bienfaisant breuvage,
Qui peut te rendre la santé,
Dans une coupe d'or te fut-il présenté ?
Du prêtre ce vase est l'image,
Car, bien qu'homme et mortel, par l'ordre du Sauveur,
Nous accourons verser dans l'âme du pécheur
Le baume précieux de sa sainte parole,
Qui rend fort par la foi, qui par l'espoir console. »

Livre I, fable 12




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