Laure, chaque matin, loin des yeux de sa mère,
Va respirer le frais, dans un bois solitaire.
Que dis-je ? ce n'est pas le murmure des eaux,
Le gazouillement des oiseaux,
Le silence des bois, l'air pur qu'on y respire,
Ces papillons, ces fleurs, et ces parfums charmants,
Qui sur un jeune cœur exercent tant d'empire !
Ce n'est pas là ce qui l'attire.
La jeune fille y porte des romans ;
En cachette, c'est là que l'imprudente Laure
Les lit, ou plutôt les dévore.
Or, notre belle, un beau matin,
Fut par quelqu'un troublée en sa lecture,
Et, voulant se lever soudain,
Le livre échappa de sa main,
Puis s'en fut tomber, d'aventure,
Sur la tête d'un champignon,
D'une assez mauvaise nature,
Qui croissait là dans le gazon.
Ace contact, notre livre frissonne,
Et, reculant avec horreur,
Traite l'autre d'empoisonneur.
Empoisonneur ! de toi ce reproche m'étonne,
Répond le champignon, car nous nous valons bien ;
Crois-moi, ne nous reprochons rien.
« Empoisonneur ! Vraiment ma surprise est extrême ;
Ma foi, mon cher, empoisonneur toi-même.
Mon venin est subtil, les tiens sont-ils moins forts ?
Par eux le cœur se corrompt et s'enflamme.
Moi, je n'attaque que le corps,
Et tu pénètres jusqu'à l'âme.
Ton art pernicieux subjugue la raison,
En excitant les sens, il séduit, il enivre ;
Va, le plus dangereux poison
Ne l'est pas tant qu'un mauvais livre. »