Un lion, seigneur redouté,
Après avoir dans ses domaines
Fait des sottises souveraines,
Mourut et fut peu regretté.
Un serpent, rusé politique,
Sitôt que le maître fut mort,
Discuta le droit du plus fort,
Siffla le pouvoir despotique :
Alors le vizir léopard,
Tigre le grand prévôt, le procureur renard,
Proclamèrent la république.
Voilà chacun libre d’agir,
De miauler, hurler, mugir.
Dieu sait le bruit et la ripaille !
Puis bientôt, Dieu sait la bataille !
Chacun chez soi, chacun pour soi ;
Plus de recours, plus de justice,
Que chacun triomphe ou périsse !
Le code, c’est la gueule, et la dent fait loi !
Tout le malheur tomba sur la gent moutonnière,
Et s’accrut de telle manière,
Qu’envoyés du peuple mouton
Vinrent près d’un autre lion
Pour implorer son patronage.
- Mangez-nous, mais défendez-nous
Des chiens, des léopards, des tigres et des loups.
Venez du roi défunt recueillir l’héritage.
C’est multiplier les tyrans
Que d’affranchir la multitude.
République, en un mot, veut dire servitude
Pour les petits et guerre entre les grands.
Symbole 18 :
Les univers sont les monarchies des soleils, les soleils ont sans doute les archi-soleils pour monarques.
La terre est une monarchie de l’homme, les facultés morales de l’homme sont la monarchie de sa volonté, le corps humain est une monarchie : il n’a qu’une tête et qu’un cœur.
La famille est une monarchie. Si le père n’est pas un monarque, il n’est rien et la famille n’existe plus.
Toute la force d’une société quelconque réside dans l’unité et dans la puissance de son chef. Deux chefs, c’est la division. Un chef dont le gouvernement est contrôlé par la multitude est un simulacre de chef, c’est la multitude qui gouverne.
Mais la multitude étant la chose gouvernable, comment peut-elle gouverner ?
Comment s’entendrait-on dans une école où chaque écolier serait le maître ?
Un maître, fût-il mauvais, vaut mieux que vingt maîtres à la fois ; et que serait-ce si, au lieu de vingt, il y en avait vingt mille ou vingt millions ?
On dit que les rois s’en vont en Europe, mais ceux-là seuls s’en vont qui représentent le caprice, le bon plaisir ou l’anarchie. Au-dessus des rois de hasard il y a les lois, et c’est par les lois que doivent régner les souverains vraiment légitimes.
Donnons un nouveau sens au mot légitimité, ou plutôt rendons-lui son sens véritable. Un roi légitime c’est celui qui règne au nom de la loi.
Un roi légitime, c’est la liberté couronnée parce qu’il est le représentant de l’ordre qui protège la liberté.
Les républiques ne sont pas des gouvernements, ce sont des crises sociales. Quand le pouvoir, semblable au rocher de Sisyphe, échappe aux bras qui veulent le pousser trop haut, il retombe et roule de nouveau au bas de la montagne ; c’est ce qu’on appelle une révolution. Mille bras alors viennent ébranler le rocher, c’est la république ; vient un plus fort qui le soulève ; c’est l’empire : celui qui parviendra à le fixer sur le sommet de la montagne, soit sous le nom d’empire, soit sous un autre nom, celui-là aura rétabli la royauté.
Les révolutionnaires ou les républicains sont ceux qui voudraient voir retomber le pouvoir pour y mettre la main à leur tour, et qui veulent essayer de soulever aussi le rocher de Sisyphe.