La Rivière et L'homme qui se noie Éliphas Lévi (1810 - 1875)

La rivière traînait ses eaux vertes et belles ;
Le soleil radieux illuminait les airs
Et faisait sur les flots pacifiques et clairs
Pleuvoir son or fluide en milliers d'étincelles.
Le ciel s'applaudissait dans son immensité,
La terre en fleur brillait de verdure et de sève.
C'était un de ces jours qui semblent un doux rêve,
Où tout ce qui respire est amour et beauté.
Et cependant un homme, enseveli par l'onde,
Se débattait plongé dans la vase profonde,
Et pour lui, dont les yeux se dilataient sans voir,
L'onde était limoneuse et le ciel était noir ;
Il maudissait le gouffre et sa pente funeste,
Se tordait, accusait la colère céleste.
Et lorsqu'il eut péri, sombre et les poings crispés,
La rivière roula toujours inattentive,
Et vint paisiblement déposer sur la rive
Ses membres verdissants d'herbes enveloppés.
Calme comme le ciel sur les champs de carnage,
L'onde claire jouait en léchant le rivage,
Et sa voix murmurait au peuple apitoyé :
« Je le désaltérais….. C'est lui qui s'est noyé. »

La vie est implacable, et la souffrance humaine
N'altère point du ciel la majesté sereine ;
Donc puisqu'au fond des eaux le sort peut vous plonger,
Vous qui craignez le gouffre, apprenez à nager.

Livre II, fable 22


Symbole 22 :

Le symbolisme de cette fable est expliqué dans la fable même.


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