Le Chanoine et son Héritière Etienne Catalan (1792 - 1868)

Un vieux Chanoine était, qui, perclus, grabataire,
Avait plus d'à demi la mort entre les dents :
Moment cruel ! On sait que c'est là, d'ordinaire,
L'heure où nos héritiers se montrent fort ardents
À déployer pour nous leur amour et leur zèle,
Et risquent, à ce jeu, la forme pour le fond.
Trop l'éprouvait déjà le pauvre Moribond !
Las d'entendre gémir certaine Demoiselle,
Qui vous le harcelait sans grâce ni répit ;
Entr'autres : « Cher Parent, que votre état me touche !...
Êtes-vous bien couché?... N'avez-vous froid?... On dit
Que vous ne prenez rien... » Si fait, lui repartit
Le Chanoine, tournant vers elle un œil farouche,
Si fait, bien ai-je pris, ce matin, une mouche,
Qui bruyait, comme vous, au chevet de mon lit !...

Quoi, n'aurons-nous jamais de repos sur la terre,
Non pas même à cette heure, hélas ! où nous mourrons !
Quoi, lorsqu'autour de nous, bientôt, tout doit se taire,
Et que, pour nous, se va dérouler le mystère
De ces temps éternels, où, dans peu, nous irons ;
Quoi, même à ce moment funeste ou salutaire,
Selon que mal ou bien nous nous recueillerons,
Quoi, des cris et des pleurs ! Quelle est donc votre envie ?
Ce deuil ferait fléchir l'homme au cœur le plus fort :
Soit calcul, soit amour, égal est votre tort ;
Je tiens, dans tous les cas, votre raison havie,
O vous, qui torturez l'heure de notre mort
Des maux les plus cruels peut-être de la vie !

Livre IV, fable 11




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