Deux tyrans des forêts, Dom Tigre d'une part,
Et de l'autre Dom Léopard,
Depuis longtemps se faisaient une guerre
A fatiguer les doigts et les ciseaux
De l'infatigable Atropos ;
Bref, tant de fois, déjà, leur ardeur meurtrière
Avait de leurs sujets mis les jours en champart,
Que, l'Enfer les aidant, il ne restait plus guère
De soldats sous chaque étendard.
Profitant donc du moment favorable,
Où, par nécessité, l'on devient plus traitable,
Conseillers des deux Rois, le Lynx et le Renard
Viennent, à jour fixé, trouver chacun leur maître ;
Et là, le front courbé plus que jamais peut- être,
Chacun d'eux parle ainsi : Salut, gloire à César !
Honneur à tout jamais au Roi de la victoire !
Mais, grand Prince, il est temps de jouir de ta gloire :
Ce que peut ta valeur, tes sujets l'ont appris,
Et plus encor tes ennemis ;
Viens goûter le repos, dépose enfin les armes ;
La paix a ses douceurs, si la guerre a ses charmes ;
Tes jours nous sont si chers ! et, comme tes sujets,
Ton ennemi vaincu te demande la paix.
La louange adoucit le cœur le plus farouche ;
Or, sur la foi de nos médiateurs,
Les deux Rois, se croyant l'un et l'autre vainqueurs,
Accueillent d'un souris cet aveu qui les touche :
Les voilà prêts à pardonner.
Le grand jour où l'on doit cimenter l'alliance,
Ces rivaux généreux ont daigné le donner ;
Il vient, on part... Déjà nos Rois sont en présence :
Chacun, d'un air de Conquérant,
Offre à son ennemi, qu'il tient pour repentant,
Sa grifse qu'il croit désarmée ;
Mais, des deux pattes, à l'instant,
Jaillit le sang !...
Ce bruit circule dans l'armée :
Un cri s'élève aussitôt des deux camps ;
La guerre est enfin rallumée.
Point de paix entre les méchants !