Le Chevrillard et la Ronde Eugénie et Laure Fiot (19ème siècle)

Un chevrillard, après mille détours,
Fut forcé, pour sauver ses jours
Des dents de la meute implacable
Et du chasseur impitoyable,
De gagner l'épineux réduit,
Le fort, au multiple circuit,
Fait par l'inextricable ronce
Il s'y glisse, se pique, au plus épais s'enfonce,
Sans ni se plaindre, ni bouger ;
(C'était le moment du danger).
Mais, le péril passé, le chevrillard l'oublie :
Puis, prenant la ronce à partie,
De ses piqûres il se plaint,
Comme s'il s'en trouvait mortellement atteint.
Lui dit la ronce, ô mon pauvre petit,
Ici bas l'on pleure et l'on rit :
La force naît de là souffrance,
Et le plaisir nous affaiblit.
Plus sage une autre fois, épargné moi l'injure.
Sache, enfant, que tout est égal,
Tout se compense en la nature,
Et le bien et le m'ai ;
Je te sauve si je te pique !... »

Ce discours était sans réplique.

Fables nouvelles, Livre VI, Fable 4, 1851




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