Le Papillon et le Chenille Eugénie et Laure Fiot (19ème siècle)

Un papillon qui, sans cesse, volait
De la rose à l'œillet
Et du jasmin à l'anémone,
Était, un jour, sur un lilas :
Il y faisait ses embarras,
Et mesurait tout le monde à son aune;
« Enfant de l'air, comme l'oiseau,
Quant à moi, disait-il : Je suis brillant et beau;
Mais fi de la fourmi ! surtout, de la chenille. >
II parlait, l'imprudent,
En ignorant
Qui méconnaissait sa famille.
« Quelle est cette arrogance extrême,
Lui dit, en se dressant,
Celle qu'il traite insolemment :
Dis-moi, te connais-tu toi-même ?
As-tu donc oublié qu'en ce lieu tu naquis
D'un très-mince oeuf, et que jadis
Tu fus aussi chenille ? Allons, sois plus modeste,
Ne tranche pas du fanfaron ;
Et si tu devins papillon,
Qu'au moins de ton passé la mémoire te reste !
Tu te crois beau, pauvre garçon !
Oui, tu reçus de la Nature,
Une séduisante parure,
Mais qui ne brille qu'un moment !
Ce que tu dis aux fleurs, dans tes bonnes fortunes,
N'est que le testament
D'un mourant!...
Vainement tu les importunes ;
Je vivrai plus longtemps que foi ;
Chenille, je suis douce et bonne,
Une fois papillon, je prendrai pour ma loi
De ne médire de personne,
Pour éviter qu'on médise de moi. »

Fables nouvelles, Livre IV, Fable 14, 1851




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