D'une juste défense outrepassant les bornes,
Mouflard, du troupeau gardien,
Avait, pour quelques coups de cornes
Qu'il reçut d'un bélier, étranglé bel et bien
La pauvre, l'innocente bête.
Le maître le prit sur le fait ;
Et, par deux balles dans la tète,
Mouflard expia son forfait.
Mouflard second, son fils, obtint la survivance ;
Et les animaux du logis,
Avec lui voulant vivre en bonne intelligence,
Tinrent conseil : on fut d'avis
De charger Rominagrobis
De se mettre en frais d'éloquence.
Agréez, dit le Chat, en cette circonstance,
Nos félicitations,
Nos congratulations
Et nos dispositions
A ne jamais enfreindre
Les lois de l'amitié. Pourrez-vous jamais craindre
Aucune atteinte, aucun affront ?
Vous voyez, nul de nous n'a de cornes au front.
C'est vrai : mais vous avez des griffes à la patte,
Répond Mouflard, blessé de l'imprudent discours.
Nous tiendrons compte un de ces jours
De la harangue délicate.
L'occasion s'offrit bientôt.
A quelques jours de là, la bête scélérate
Emportait un fromage ; et le maître aussitôt
Siffle : Mouflard accourt, et le maître l'excite.
Sur la trace du Chat, Mouflard se précipite :
Le Chat fuit, saute, mais au bout
De quelques bonds, Mouflard l'atteint et le découd.
Il cria miséricorde
Et ne fut pas entendu.

Ne parlons jamais de corde
Dans la maison d'un pendu.

Livre III, fable 9




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