Un statuaire habile., renommé,
D'une main ferme à la fois et légère,
Conduisait et ciseaux et burins sur la pierre,
Bloc, qui par eux bientôt allait être animé.
C'était un Jupiter qu'ainsi le jeune artiste
Avait charge de modeler;
Chef-d'œuvre assurément devant grossir la liste
De tous ceux que chez lui l'on pouvait contempler.
Mais pour être plus sur des lignes, de la forme,
Il faisait poser sous ses yeux,
Ce qu'Athènes offrait de mieux,
En traits nobles et beaux, auxquels on se conforme,
Lorsque par un flambeau sacré
On se sent le cœur éclairé.
De l'un c'était le bras, de tel autre la tête,
Qu'il copiait avec le plus grand soin ;
Car dans ce monde il est dit-on besoin,
Que chez plusieurs on aille, en quête,
Pour trouver complète beauté.
Un jour qu'il travaillait avec l'activité
Qui fait éclore le génie,
Lorsqu'à l'amour de l'art elle se trouve unie,
Et lorsqu'on brûle enfin, d'un pur et noble feu,
Car cet homme après tout, allait créer un Dieu,
D'un amateur il reçoit la visite.
(C'est ainsi de nos jours dans quelques ateliers).
C'était un jeune néophyte,
Qui las des mensonges grossiers
D'une religion profane,
Venait de renoncer à son antique foi
Pour suivre désormais la loi
Du vrai Dieu de qui tout émane.
« Oh ! dit-il à l'artiste alors,
« Vois, que ton culte est faux, que tes erreurs sont grandes !
« Pour faire un Dieu, comment; à l'homme tu demandes
« De prendre en l'imitant, modèle sur son corps!
« Puis-je donc voir en lui, la puissance divine,
« Qui fait qu'avec amour pour prier je m'incline?
« Lorsqu'il sort ainsi de ta main,
« C'est un ouvrage tout humain.
« Mais de mon culte au tien, comprends la différence,
a Reconnais sa divine essence;
« Le chrétien de son Dieu n'est pas le créateur;
« C'est à son image au contraire,
« Que Dieu l'a fait, et l'a placé sur terre;
« Et loin d'être un modèle., il n'est qu'imitateur ;
« Car tout ce que le juste espère,
« C'est que par la vertu, comme par la prière,
« Il puisse ressembler à son divin sauveur ».