Fous et Sages Fortuné Nancey (? - 1860)

Une bande de loups, fort mauvais voisinage,
Après avoir fait plus d'un tour,
Et semé tout à l'entour
L'effroi dans plus d'un village,
Se voyait traquée à la fin,
Par tous ceux qui dans l'abordage,
Voulaient venger plus d'un larcin.
De cette attaque formidable,
Ces loups sentaient fort bien, comme fait un coupable,
Tout ce que chacun d'eux avait à redouter ;
On se réunit donc, afin de discuter
Ce qui pour la défense, est le plus convenable.
Les jeunes louveteaux opinant les premiers,
Mesurant le succès, aux élans familiers.
À la jeunesse aventureuse,
Soutiennent qu'une troupe, avide, courageuse
Ne doit jamais songer à reculer,
Et que dut-on périr et se faire immoler,
Il faut sous peine d'infamie,
Traverser la ligne ennemie ;
Seul moyen d'échapper d'ailleurs
À leurs farouches destructeurs.
Rompant à leur tour le silence,
Les vieux connaissant le danger
Par tout ce que l'expérience
A pu leur faire présager,
Estiment eux que la prudence
Conseille de moins s'engager.
L'homme n'a pas toujours, le passé nous le prouve,
Le temps de chasser à la louve ;
Il faut qu'il se déplace et quitte ses travaux.
Qu'armé de pied en cape il fasse le héros ;
Tout cela le fatigue ; et sur cette donnée,
Croyez pour nous que le plus sur
Est de chercher refuge en quelqu'endroit obscur,
C'est l'affaire d'une journée ;
Car l'homme à son projet bientôt renoncera,
Et notre armée évitera
D'être en un jour exterminée.
À ce projet si sage on voit les jeunes fous,
D'incrédulité sourire,
Et dans l'ardeur qui les inspire
Fondre sur les chasseurs dont ils bravent les coups.
Mais trop forte était la barrière ;
En une heure à la troupe entière
On faisait mordre la poussière.
Des anciens pourquoi les avis
N'avaient-il point été suivis !

À cette jeunesse aveuglée
Je compare toute assemblée ;
Où le sage propose, on voit en y rêvant
Que les sous décident souvent.

Livre II, fable 12




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