Un homme qui dans l'industrie
Avait placé l'espoir et le comptant,
S'appliquait à mener, sans trop grave incurie,
Un atelier fort important.
Comme il savait que l'exemple encourage,
Il était là dès le matin,
Distribuant à chacun son ouvrage,
Et mettant son monde en chemin.
Aussi lui rendait-on justice,
Et travaillait-on de grand cœur ;
Tous, excepté certain mauvais coucheur,
Qui dans l'activité, ne voyait qu'un supplice.
Tout pour cet homme était un embarras,
Il avait toujours à se plaindre !
C'étaient morceaux qui ne pouvaient se joindre.
Un outil qui ne coupait pas,
Et mille autres choses semblables,
Que seul dans l'atelier il trouvait condamnables.
Tant et si souvent., comme à tort,
Par ses plaintes il se signale,
Que pour le corriger le maître à bout d'effort,
Met en action la morale.
Or donc, un jour, il prend gens de son atelier,
Et les conduit dans un étroit sentier,
Puis leur fait voir un char à quatre roues,
Qu'il faut sortir de l'ornière et des boues.
Chacun se met à l'œuvre et bientôt détourné,
Sur un chemin plus beau le char est amené;
Mais encore qu'on fut au large,
Et sans trop fatiguante charge,
On roulait mal ; un son monotone agaçant,
Et par chaque tour renaissante
Péniblement frappait l'oreille.
La sollicitude s'éveille,
Et du bruit qu'en marchant l'on fait,
On recherche la cause en maudissant l'effet.
Bientôt ce n'est plus un mystère,
Une roue en foulant la terre
Faisait tout ce vacarne, en ce que le moyeu,
Mal ajusté, ballottait dans l'essieu ;
En présence du mal, qu'avec joie il contemple :
Eh bien ! dit soudain le patron,
En s'adressant au mauvais compagnon,
Qu'il voulait former par l'exemple,
« Que t'en semble ? est-ce bien un effet du hasard 1
« Ou comprends-tu l'allégorie ?
« Souviens-toi bien que dans un char,
n La plus mauvaise roue. est la seule qui crie. »