Un ignorant..... Quelle bête est cela?
Voulez-vous bien en tracer une esquisse.
Hélas ! c'est moi, que souvent le caprice
Entraine ici, va promenant par-là,
Sur des sujets où je me vois novice ;
Un ignorant n'en prenez pas d'ennui,
On peut bien l'être, et sans qu'on en rougisse,
A moins d'avoir, sur le dos, la pelisse.
Jadis on sut; on ignore aujourd'hui.
Il faut pourtant que je vous avertisse
Quand il m'advint de prendre du dégoût
Pour l'air capable. Ah! ce fut sans malice,
Lorsque je vis que les sots savaient tout.
Un ignorant passait dans une rue ,
On y vendait des Rouets à filer.
L'invention n'en étant pas connue,
De prime abord a bien fixé sa vue :
Mais ce n'est tout; il faut la dessiller.
Lors, le marchand entreprend de parler.
Prenez, monsieur, il vous fera service ;
Mettez le pied sur ce chevalet-là :
Vous allez voir comme il fait son office
Il va tout seul..... Tout seul ! Dieu le bénisse !
C'est pour ma femme : elle en raffolera.
Notre homme vient trouver sa ménagère.
Tu n auras plus besoin de travailler.
Allons ! le pied dessus cette palette,
Vas lestement et sans tant tortiller,
Le fil s'accroît, la tâche est bientôt faite;
Oui, notre femme, il ne faut que mouiller.
Il fallait voir les yeux de l'ouvrière,
Et son air gauche à son nouveau métier.
L'instituteur, pour montrer la manière,
Etait, au moins, un mauvais conseiller ;
Pour réussir , il faudrait de l'ensemble.
Le pied, la main doivent se concerter.
Mais quand l'un va, l autre veut s'arrêter ;
Margot trépigne et se lasse : il lui semble
Qu'on ne saurait, à moins d'être sorcier,
Des deux agents faire un seul ouvrier.
Le tout parait tellement incommode,
Qu'on en revient à la vieille méthode ,
Et le Rouet va pourrir au grenier.
Ce n'est pas tout d'apporter un chef-d'œuvre,
Il faut pouvoir en montrer la manœuvre,
Et prendre soin de la simplifier.