L'Inventeur Saint-Joseph

Dans l'antique Venise,
Un homme à barbe grise,
Qui ne manquait point d'art,
Par un heureux hasard,
Fut l'inventeur... Mais c'est une merveille,
Et vous ferez la sourde oreille ;
Cependant je l'ai vu, do mes propres yeux vu,
Et je n'étais point prévenu..,
— Quoi donc ? — Eh bien, chose admirable !
Mes yeux ont vu rendre potable
Par un coup do piston, sans autre talisman,
L'onde amère do l'Océan.
— Vous vous riez de nous ? — Mais non, la chose est sûre.
Émerveillé do l'aventure,
Un vase par mes soins fut rempli de cette eau.
A plusieurs grands savants renommés en chimie,
Je le remis en main. Le bruit du fait nouveau
Alla jusqu'à l'Académie.
Cette eau pouvait se boire et, sans le moindre mal,
Abreuver une escadre avec son amiral.
Mais combien ici-bas do toute bonne chance
Nous savons à plaisir détruire les bienfaits !
« À moi la gloire, h moi les plus brillants succès ! »
Disait partout avec jactance
L'Inventeur, se plaçant au rang des demi-dieux.
A l'en croire, il changeait l'existence du monde.
Il n'était, selon lui, do mer vaste et profonde
Qui, par sa mécanique aux effets merveilleux,
Ne perdît tout son sel, et d'une pure source
N'égalât, sur-le-champ, la bonté, la douceur.
Pour les navigateurs, quelle immense ressource !
Lo succès fut bien court et l'espoir bien menteur !
Enflé, présomptueux, l'homme agrandit sa pompe,
S'égare en ses calculs, il recherche, se trompe,
Et, le jour de l'essai, trahi par le piston,
Il faillit perdre la raison.
Profitez d'une bonne aubaine,
Mais bornez votre ambition ;
Fiez-vous à l'occasion
Plutôt qu'à la faiblesse humaine.





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