Un certain soir Margot la pie,
En sautillant à travers champs,
Entendit dans une prairie
(C'était au retour du printemps)'
Roucouler une tourterelle.
Margot de voler auprès d'elle
Pour raconter
Et pour savoir quelque nouvelle.
Tourterelle veut l'éviter,
Abandonne soudain la place,
Et fuit dans un profond vallon,
Lorsque de nouveau notre agace
La poursuit, la rejoint auprès d'un vert buisson.
« Pourquoi me fuis-tu ? lui dit-elle.
— L'an passé, répond Tourterelle,
Mon tourtereau, -
Ici tout près, sous cet ormeau,
Sur un propos de toi, cruelle,
Me soupçonna d'être infidèle,
Et je faillis, méchante, en mourir de douleur.
Tu fus cause de mon malheur.
— Méchante ! moi ! reprit la Pie ;
Tu te trompes, ma bonne amie ;
Au fond j'ai l'âme bonne, et Jupin, le grand dieu,
Sait que pour mon prochain, à toute heure ; en tout lieu,
Je m'élancerais dans le feu.
Si je suis un peu cancannière,
Cela tient, je l'avoue avec humilité,
À la légèreté,
Au faible de mon caractère.
Mais oser douter de mon cœur
— Hé ! que m'importe à moi, répondit Tourterelle,
Que ton cœur, jaseuse cruelle,
Ne soit pour rien dans mon malheur,
Que ta tête légère en soit seule la cause ?
Cela ne fait rien à la chose,
Et prouve seulement
Qu'ainsi que d'un méchant
Il faut toujours que l'on se garde
D'une bavarde. »