Une sensible et jeune tourterelle
Pleurait l'objet de ses amours.
Un trait lancé par une main cruelle
L'avait à sa tendresse enlevé pour toujours.
Le doux sommeil sur sa triste paupière
En vain, pour la fermer, secouait ses pavots ;
Asa douleur se livrant toute entière
Elle ne vivait plus que pour pleurer ses maux.
Ses soupirs devançaient le lever de l'aurore,
Le soleil se couchant les entendait encore,
Et même de la nuit le silence sacré
Par ses accents plaintifs doucement altéré
Semblait, touché de sa mélancolie,
En respirer le noble et tendre sentiment.
'Ainsi dans la langueur, d'amour se consumant,
On la voyait couler le reste de sa vie.
Pour un cœur délicat accablé par le sort
La peine a des douceurs, la tristesse a des charmes ;
Aux plaisirs les plus vifs il préfère les larmes,
Avec volupté même il contemple la mort.
Tel était donc l'état de notre tourterelle,
Lorsque l'oiseau bavard chez nous pie appelé,
Moins guidé par le zèle
Que pour ne plus être troublé
Par les gémissements de cette infortunée
Un jour s'en vint la voir.
Voisine, lui dit-elle, est- ce donc un devoir
De vivre à la douleur constamment enchaînée ?
Vous aviez un amant, il était votre époux ;
La rigueur du destin l'a séparé de vous :
Mais pour cela faut-il en être inconsolable ?
Du plus juste souci, l'excès le rend blâmable.
Et que font au défunt dans l'ombre du cercueil
Ces plaintes, ces soupirs, ces pleurs et tout ce deuil ?
A votre désespoir quel intérêt peut prendre
Un bien-aimé qui n'est plus rien que cendre ?
Son trépas affligea votre cœur, rien de mieux ;
Mais toujours s'affliger, c'est offenser les dieux.
Nous devons humblement, et quoi qu'il nous en coûte,
Subir du Ciel les ordres absolus ;
Croyez-moi, du bonheur c'est l'infaillible route :
Pourquoi vous épuiser en regrets superflus ?
Ah ! plutôt je vous en conjure,
Séchez ces pleurs, quittez ce deuil et ce désert ;
Abandonnez cette retraite obscure,
Et venez parmi nous. Tous les jours de concert
Mes compagnes et moi par cent et cent nouvelles
Aussi fraîches que belles
Nous nous empresserons de charmer vos ennuis ;
Nous rirons, sauterons, caqueterons ; et puis,
Qui sait ? peut-être,
Grâce à nos soins sentirez-vous renaître
Dans votre cœur de l'amoureux plaisir
L'ardent et louable desir.
Hélas ! reprit la tendre tourterelle,
Que pourrais-je aimer désormais ?
J'ai perdu celui que j'aimais ;
Ases mânes je veux vivre et mourir fidèle.
Il n'est plus.... ah ! loin de moi le bonheur
Que je ne goûterais qu'au prix de ma douleur.