Le Jet d'eau et la Fontaine Frédéric Rouveroy (1771 - 1850)

Certain jet d'eau, dans sa morgue hautaine,
Insultait la simple fontaine,
Qui, coulant sous l'herbe à ses pieds,
Suivait, autour des tapis émaillés,
Sa pente douce et naturelle.
Vois, disait-il, en montant dans les airs
Et se reproduisant sous cent aspects divers,
Comme de diamants cette gerbe étincelle !
Et, sans cesse agitée en ce cercle mouvant
Brille de tous les feux dont Iris se colore,
S'élance, disparaît et reparaît encore !
Tandis que toi, morte en naissant,
Tu traînes à mes pieds ton onde paresseuse ;
On la méprise, et tu dois être heureuse
Quand tu peux quelquefois, la cachant sous des fleurs,
L'y promener en paix dans sa course incertaine.
- Vous le savez, nous sommes sœurs >
Dit à son tour l'humble fontaine ;
Calmez donc cette humeur hautaine,
Votre onde, on le voit bien, s'élance malgré soi :
Alors qu'on est captive il sied peu d'être vaine,
Et, si vous brisiez votre chaîne,
Vous ramperiez plus bas que moi.

Livre I, fable 8




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