Le Paysan et le Savatier Gabriel-T. Sabatier (19ème)

Un pauvre paysan se plaignait de son sort,
Et pour ne plus souffrir il appelait la mort.
« Je suis trop malheureux ! s'écriait-t-il sans cesse,
Pour gagner quelques sous, il me faut tout le jour
Supporter un fardeau décidément trop lourd !
Jusqu'au dernier soupir je n'aurai que tristesse ! »
Un jeune et joyeux savetier
Qui sans gémir faisait son rebutant métier,
Dit au vieux paysan : « Voulez-vous ma recette
Pour être heureux ?
Si vous vous en servez, vous serez plus joyeux.
La voici : je me dis, c'est bien vrai je végète,
Mais pourquoi faire le hargneux?
Gémir, se lamenter, ne sert pas à grand chose.
On a beau chaque jour être tout soucieux,
Cela ne fait jamais que l'on soit un peu mieux ;
Il faut donc rester bouche close!
Souviens-toi de ceci, toujours à l'avenir :
Nous devons tous porter une pesante chaîne ;
Plus on s'en plaint, plus elle gène ;
Tâchons de nous en souvenir
Et. nous la porterons sans rien dire, mon frère :
C'est le meilleur moyen de la rendre légère.

Livre II, Fable 24, 1856




Commentaires