Le Philosophe et le Paysan Joseph Reyre (1735 - 1812)

Chaque homme a, dit-on, sa manie.
Un sage de l'antiquité,
Jadis dans la Grèce vanté,
Avait la sienne aussi, c'était l'astrologie.
Oubliant les leçons de la philosophie,
Qui s'applique surtout à régler notre cœur,
Et nous apprend que le bonheur
Est le fruit d'une bonne vie,
Dans les astres il le cherchait,
Et croyait que leur cours, qui sans cesse varie,
Nous l'était ou nous le donnait.
Un beau jour, qu'étant en voyage,
Il avait, selon sou usage,
Les yeux levés au ciel, se promettant de voir
Les arrêts du destin dans la céleste voûte,
Bien loin de réussir au gré de son espoir,
Dans un bourbier profond qu'il trouva sur sa. route
Comme un sot il se laissa choir.
Un paysan le vit lorsqu'il fit la culbute ;
Et comme il avait su, je ne sais trop comment,
Le travers où donnait ce sage extravagant,
Il commença d'abord par rire de sa chute,
Puis il lui dit : Il faut que vous soyez bien vain !
Vous voulez passer pour devin,
Vous croyez bonnement qu'en contemplant les nues
Vous y découvrirez des choses inconnues,
Et vous ne voyez même pas
Ce qui se trouve sous vos pas !
Mon ami, croyez-moi, savoir se bien conduire,
C'est le premier secret dont l'homme doit s'instruire :
Le sage, sans cela, n'est sage que de nom.

Le paysan avait raison.

Livre I, fable 5




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