Le Chêne et l'Arbrisseau Joseph Reyre (1735 - 1812)

Après avoir appris sa leçon de grammaire,
Un jeune enfant avec son père
Se promenait dans un jardin,
Lorsqu'ils trouvèrent en chemin
Un arbrisseau dont la tempête
Avait courbé la tige et fait plier la tête.
A l'aspect dé cet accident,
Le père qui voulait à son fils, en passant,
Donner un avis salutaire :
Voyez-vous, lui dit-il, mon fils, cet arbrisseau?
Il était droit, il fait à présent le berceau :
Allez le rétablir dans sa forme première.
Volontiers, papa, dit l'enfant.
Aussitôt il le prend, et sans beaucoup de peine
Il le redresse au même instant.
Fort bien, dit le Mentor : mais regardez ce chêne,
Que son poids vers le sol entraîne :
Quoique déjà fort avancé,
Il aurait bien besoin d'être un peu redressé.
Allez, allez aussi luirendre.ee service.
Oh! oh ! dit l'enfant en riant,
Papa, pour moi quel exercice!
Je le tenterais vainement ;
L'arbre est trop vieux pour qu'il fléchisse.
Je me serais chargé de la commission
Lorsqu'il étoit encor dans son enfance ;
Mais de le redresser ce n'est plus la saison ;
Et quand même j'aurais la force de Samson ,
Je ne pourrois jamais vaincre sa résistance.
Oui, mon fils, vous avez raison,
Reprit alors le père ; et cette expérience
Pour vous doit être une leçon.

Ces deux arbres sont notre image :
Nos penchants vicieux, pendant le premier âge,
Sont faciles à corriger ;
Mais on ne peut plus les changer
Lorsqu'ils sont raffermis par le temps et l'usage.

Livre I, fable 4


Note de l'auteur : « L'expérience prouve tous les jours que l'on conserve jusqu'à la mort les habitudes qu'on a contractées dans le premier âge. »

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