Le Chêne et la Mousse Albéric Deville (1773 - 1832)

Au pied d’un Chêne une Mousse rampante
De son obscurité déplorait le malheur ;
Et malgré sa beauté, sans cesse renaissante,
Son tapis vert et sa fraîcheur,
Elle disait avec douleur :
« Ma fleur est invisible ; en tous lieux je ne pousse
Qu’à l’abri du soleil ; et je rampe en naissant.
Ah ! quand je vois ce robuste géant
Contre lequel la faulx du Temps s’émousse,
Je me dis tristement : Qu’est-ce donc qu’une Mousse ? »
—« Quoi ! tu te plains, répond l’Arbre à son tour :
Mais au-dessous de toi n’est-il pas quelques plantes
Sans racines, sans fleurs, ni feuilles verdoyantes,
Et dont la lumière du jour
N’a jamais pénétré le ténébreux séjour ?…
Considère le sort de la Truffe terreuse,
Tu pourras te trouver beaucoup moins malheureuse. »
Chacun gémit sur son destin ;
Et dans tous les états on voit régner l’envie :
Au lieu de jouir de la vie,
On se forge, à plaisir, des sujets de chagrin.



Le dernier vers, en latin : Fertilior seges est alienis semper in agris.

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